
Le troisième album de Sara Dufour, On va-tu prendre une marche?, est rempli d’une énergie contagieuse. L’auteure-compositrice-interprète nous emmène dans un voyage d’émotions, de souvenirs, et de paysages, avec une guitare électrique plus présente et un sourire partout.
Premièrement, qu’est-ce qui a changé pour toi musicalement depuis ton dernier album en 2019? Est-ce que ta vision et tes goûts ont changé d’une manière ou d’autre?
Je pense qu’on évolue toujours. Ce qui s’est passé, c’est que, lors de l’enregistrement du deuxième album, il y a la guitare électrique sur certaines chansons comme Chez Té Mille, Trois heures et Chic-Chocs. J’ai vraiment eu comme une révolution et, en terminant le deuxième album, je savais que musicalement je voulais développer ce style. C’est pour ça qu’on entend plus de guitare électrique sur cet album.
L’album est dédié à ta mère. A-t-elle joué un grand rôle dans ta relation avec la musique en général, pas seulement avec cet album?
C’est ma mère qui m’a fait découvrir Bob Dylan, Neil Young, et plein d’artistes qu’elle écoutait quand elle était jeune. J’ai toujours eu une relation très privilégiée et on se parlait plusieurs fois par jour. Elle m’a toujours encouragé dans ma carrière et tout ce que je faisais dans ma vie. Je pense que c’est grâce à elle que je suis qui je suis en ce moment. Dans les derniers mois de sa vie, on a eu une conversation où elle m’a dit que « quand je ferme mes yeux et je pense à ta carrière, il y a une grosse vague qui s’en vient. » Je lui ai dit que j’allais bien surfer sur cette vague. Ça fait deux ans et demi que j’ai l’impression de faire le surf sur cette vague-là. J’ai l’impression de vivre mon deuil à travers les spectacles que j’ai fait parce que, quand elle est partie, ma carrière a décollé et je n’ai jamais arrêté. Donc, la dernière chanson de l’album, Ma mère, est une chanson qui lui est dédiée, mais l’album complet est également dédié à elle.
Pendant l’enregistrement, tu as laissé libre cours à la créativité de tes musiciens. Pourrais-tu parler plus de ce processus parce que j’imagine que vous vous êtes tous amusés, ce qui ajoute à l’ambiance de l’album ?
J’aime bien qu’on retrouve une ambiance de live sur un album ou une ambiance instinctive. Quand j’ai terminé les chansons avant d’aller au studio, je ne les ai pas envoyées à mes musiciens. C’est vraiment la journée où on a enregistré que je les ai jouées avec ma guitare acoustique. Je ne voulais pas qu’ils prennent du temps à réfléchir, je voulais que ce soit instinctif. Je trouve ça le fun.
Il y avait quelques paroles qui étaient ajoutées après en raison de l’instrumentation et la spontanéité de tout ça. As-tu des exemples de chansons ou de paroles où c’était le cas?
La chanson Chu mêlée n’était pas finie quand on l’a enregistrée. J’avais peut-être un couplet et demi à écrire. J’ai lâché ma guitare et mes musiciens ont jammé la toune et je l’ai fini après. Dans Et même si et Au travers, j’ai enlevé les textes pour laisser porter par la musique et pour laisser libre cours aux auditeurs d’aller où ils vont.
Comme tu es retournée vivre à Dolbeau-Mistassini, comment l’environnement du Lac Saint-Jean a-t-il influencé ta musique? Par exemple, il y a des chansons comme J’m’en va dans l’bois, Maison frette, et On va-tu prendre une marche qui semblent capturer la vie là-bas.
Le fond de l’album est le retour à la région. C’est sûr que mon désir au départ était de me trouver toute seule pour écrire. On entend beaucoup ça, la nature et que je marche dans le bois. Ça a certainement influencé l’écriture de l’album.
La chanson Mes pneus était écrite dans ton char. D’habitude, quelle est la façon dont tu écris tes chansons? Est-ce que les paroles viennent en mouvement, par exemple en marchant et en conduisant?
Ce n’est jamais pareil. C’est vrai que j’ai écrit Mes pneus en roulant. Dans ce cas-là, je l’ai enregistré sur mon téléphone pour ne pas le perdre parce que je ne pouvais pas utiliser la guitare en roulant. Parfois, j’ai plusieurs enregistrements parce que les choses évoluent rapidement et je ne veux rien perdre. Pour la chanson Et même si, la musique est venue avant. J’étais avec ma guitare au chalet et je faisais les la la la. Les paroles sont venues par la suite.
Il y a des chansons, comme J’t’écoeurée et Chu mêlée qui parlent un peu du contraste entre la vie sur la route et la vie dans les bois. Maintenant que tu es installée quelque part plus stable et aussi dans la région où tu as grandi, est-ce que tu te sens moins mêlée maintenant ou est-ce que la vie tranquille t’a donné plus d’envie de voyager encore?
En ce moment, je suis à la bonne place. J’ai l’impression, avec tout le travail que j’ai fait, que tout est aligné pour que ça fonctionne bien. La vie, ce n’est pas une ligne droite, je sais qu’elle va bouger et j’aurai de nouveaux rêves et de nouveaux objectifs. C’est quelque chose qui est toujours en mouvement, mais en ce moment je ne suis pas vraiment mêlée.
Après avoir passé autant de temps sur la route avec ta musique, y a-t-il des choses que tu aimerais explorer ou essayer de faire que tu n’as pas déjà faites?
Pour la prochaine tournée en salle, qui commence le 5 février, j’ajoute un deuxième guitariste pour toutes les dates. Je trouve ça amusant parce que je veux essayer de lâcher ma guitare pour quelques chansons, donc un deuxième guitariste me permet de le faire. Je peux juste vivre le moment avec le micro dans mes mains.
Beaucoup de tes chansons sont écrites avec Dany Placard. Quel était son rôle exactement?
Dany Placard est mon accolade depuis mon premier album et on a une connexion le fun. Quand je suis bloquée pour une chanson, Placard arrive à l’aide. Il y a des chansons où il n’a rien fait et il a mis une touche sur le niveau de la musique. Parfois, j’écris une chanson et je manque une ligne donc on la finit ensemble. Il y en a quelques où on a fait moitié-moitié et d’autres où il fait partie du processus complet. Pour moi, c’est important qu’il soit là.
Vieux Dan Tucker est une version d’une chanson traditionnelle. Pourquoi as-tu choisi cette chanson?
On l’a réécrite et c’est Placard qui avait un lien avec cette chanson. Il y a plusieurs années, j’ai écouté une entrevue avec Placard qui parlait d’un album live de Bruce Springsteen. Je suis allée écouter et j’étais accrochée à cette chanson dont Bruce Springsteen a fait une reprise. Je l’ai tellement écouté que j’ai décidé de la faire sur scène avec mon band. Pendant des années, j’ai fait cette chanson-là en anglais. Plus tard, j’ai dit qu’il faut faire une version francophone. J’ai appelé Placard, parce que je pensais à lui, et on a refait les paroles pour être plus dans notre monde. C’est pour ça qu’on a une version propre à nous autres.
Dans toutes tes chansons, le folk et la culture québécoise sont vraiment au cœur. Qu’est-ce qui définit la culture québécoise, selon toi?
Qu’est-ce qui définit la culture québécoise selon moi? Mon Dieu, il y en a tellement de choses qui sont dans nos racines. On connaît le froid, on connaît la chaleur, alors c’est certain que les saisons font partie de notre culture. La langue, le français est une langue riche. La famille! Je suis quelqu’un qui a des valeurs familiales assez fortes aussi. Tout ça fait partie de la culture québécoise.
Finalement, quel est l’environnement idéal pour écouter l’album, On va-tu prendre une marche? Qu’est-ce que tu aimerais que les gens ressentent?
Je pense que c’est un album qui sonne bien sur la route. Si tu as quelques heures de route à faire, tu peux l’écouter. Mais c’est aussi un album que tu peux écouter en arrière-plan, quand tu fais le ménage ou quand tu prépares le souper. Si tu réécoutes, il y a peut-être des paroles ou de nouvelles images qui vont venir dans ta tête. J’ai l’impression que chacune de ces chansons est un univers en soi et tu peux suivre le courant.

Frankie Rose | Journaliste
Frankie vient d’Angleterre, mais elle est francophone dans l’âme. Passionnée par les cultures francophones, notamment celle du Québec, elle aime découvrir et promouvoir la langue. En ce qui concerne la musique, elle aime les chansons qui racontent les histoires, que ce soit dans les paroles ou le lien personnel que la musique peut créer.
Critique de l’album
Crédit Photo : Courtoisie