
Devant une salle Gesù pleine, Émile Proulx-Cloutier a présenté ce jeudi son nouveau concept, début d’une tournée à travers le Québec. En créant d’abord le spectacle sur scène, avec 40 % d’œuvres inédites, il a choisi de casser les codes. L’artiste nous fait plonger dans son univers unique et ses textes savoureux, faisant passer les spectateurs, pendus à ses lèvres, par toute une palette d’émotions.
Un album viendra peut-être un jour. En attendant, l’auteur-compositeur bienveillant a enchainé des œuvres diverses sans pause pendant plus de 1h30, seul avec son piano, des pédales de percussions utilisées à bon escient, la batterie ayant été son premier instrument, comme pour mimer un cœur qui bat, et un microphone sur pied, sur le devant de la scène. Il nous invite à rêver, rire et réfléchir sur soi et sur notre société.
Sur le premier tableau, il est au piano, éclairé par une lumière minimaliste. Effleurant les touches avec délicatesse, il nous emmène dans son imaginaire en parlant ou chantant, toujours juste et percutant. Articulant chaque syllabe, celui qui «aime sa langue» débite ses paroles calmement, dans un langage recherché comme populaire, accélérant parfois les cadences sonnant une révolte intense, puis reviens à la douceur, toujours.


Ses formations multidisciplinaires dans les domaines de l’art dramatique, chant, piano ainsi que son amour pour le cinéma paraissent. De magnifiques photos et vidéos sont projetées, soulignant à merveille ses propos, et représentants des danseurs, la pluie, des oiseaux ou des visages autochtones.
Entre chanson imagée, poésie urbaine plus directe, slam, rap, sketch d’humour ou conte, l’artiste s’offre pleinement, en connexion constante avec son public, sans filtre.


S’ensuivent des mélodies sensuelles, le conte d’un grillon amoureux d’une luciole, d’un «enfant-scaphandre», un sketch d’humour sur des pécheurs bloqués sur une roche d’un rapide et sombrant dans un égoïsme primaire, les retrouvailles entre d’anciens élèves du secondaire, 20 ans après.
Par intermittence, il aborde des sujets sensibles comme les dictats imposés aux femmes dans nos sociétés modernes ou la haine dans les commentaires sur les réseaux sociaux. Le poète a un don pour faire passer des messages engagés concernant des thèmes plus délicats, mais toujours avec intelligence et «sans en faire des tonnes», sans donner de leçons. Il devise sur la santé mentale et la folie, par le biais de l’expérience d’un ami, invoquant le fait d’en parler, «pour ne pas passer de l’autre bord, virer fou», dit-il.


Dans «Maman», il est question des enfants autochtones qui ne parlent plus la langue de leurs ancêtres et ne peuvent pas l’employer avec leurs grands-parents. Intégrant dans la chanson quelques mots dans une langue amérindienne, il rappelle que les Premières Nations ont été forcées de «perdre leur langue sans avoir migré». Cette séquence éprouvante et émouvante a généré une acclamation de la salle pendant de longues minutes.
Plusieurs fois au cours de la représentation, il a partagé son plaisir immense et très sincère de retrouver le public, «après un mois… euh une année, je ne sais plus», s’amuse-t-il.


«Si vous croisez la beauté, attrapez-la et donnez-là», clame le poète haut et fort, pour conclure la représentation et pousser à un monde meilleur, plus solidaire.
Pari risqué, pari réussi.
Pour connaitre toutes les dates de sa tournée à travers le Québec (du 24 mars au 24 septembre) : http://emileproulxcloutier.com

