
Le Théâtre du Nouveau Monde présente jusqu’au 9 avril la pièce Un ennemi du peuple du norvégien Henrik Ibsen. L’adaptation est signée Sarah Berthiaume et la mise en scène orchestrée par Edith Patenaude.
Un peu d’histoire
Cette pièce dramatique en cinq actes a été publiée en 1882 et depuis sa création, le sujet demeure étonnamment d’actualité.
L’action repose sur le docteur Stockmann qui découvre que les eaux de la station thermale de son village en Norvège sont contaminées.
Malheureusement, ses actions afin de prévenir le peuple seront mal reçues et c’est ainsi que la pièce prend tout son sens.
Étant un humain empathique, il essaie par tous les moyens possibles d’alerter les citoyens par un rapport scientifique qu’il souhaite publier dans le journal local.
Malheureusement, lorsque les gens qui se sont ralliés à lui découvrent qu’ils perdront beaucoup d’argent en le suivant, ils se ravisent et décident d’aller à contre-courant : ses amis deviennent ses ennemis.
Une pièce encore d’actualité
Un ennemi du peuple touche beaucoup de sujets actuels tels que l’environnement, la tyrannie, la presse et la convergence des médias, l’économie et autres sujets percutants.
La dualité entre notre confort personnel et individuel versus le bien collectif est au cœur de cette pièce d’Henrik Ibsen.
L’auteur norvégien est, par certains, considéré comme le premier écrivain existentialiste.
Une mise en scène plutôt audacieuse
La metteuse en scène Édith Patenaude s’est penché sur cet auteur qui n’avait pas été joué au Québec depuis très longtemps.
Elle a d’ailleurs offert une mise en scène plutôt audacieuse, nous permettant de voir les acteurs dans les coulisses.
On dresse l’histoire dans un décor qui fait penser aux années 60, mais avec des ordinateurs des années 2000, des références à la pandémie et aux vaccins y sont même insérées. Toutefois, aucun signe de l’existence des réseaux sociaux.
Du coup, il nous est difficile de trouver les années dans laquelle l’action se passe et cela peut être un tantinet étrange. Mais nul doute que ces anachronismes sont voulus et assumés.
Un angle féministe
Grâce à Édith Patenaude (metteuse en scène) et Sarah Berthiaume (adaptatrice), le docteur Stockmann est devenu Katrine Stockmann, une femme révoltée qui refuse de se soumettre à la dictature de gens corrompus et malhonnêtes qui occupent le pouvoir.
Selon Lorraine Pintal, cette pièce est un chef-d’œuvre et un classique théâtral qui annonçait déjà « l’ère industrielle qui allait dominer le 20e siècle » ou bien un « classique théâtral hors du temps ».
Et en effet, seuls les spectateurs pourront se faire une idée de la bonne réponse… Et si celle-ci était une belle combinaison des deux?
Les personnages féminins portent tous le pantalon et sont à égalité avec les hommes sur tous les plans. Banal, vous direz? Mais si fort comme message! Bravo à Édith Patenaude sur ce coup.
Sinon, la mise en scène est éclatée, on y voit les techniciens venir sur scène faire les changements de décors.
On assiste même à une mise en abîme d’assemblée collective, où les spectateurs deviennent partie inhérente de la pièce.
Ève Landry alias Katrine Stockmann
Dans toute sa force, l’actrice porte sur ses épaule le poids d’une pièce adaptée de manière exceptionnelle aux temps modernes.
Avec des répliques corrosives, parfois banales ou d’une vérité sidérante, Ève Landry vient nous poigner le cœur et les tripes. Ève Landry est décidemment faite pour jouer des rôles puissants. Mais elle n’est pas seule!
Une ribambelle d’acteurs talentueux l’accompagne. Certains ressortent d’ailleurs du lot, créant un certain déséquilibre sur le plan du jeu au sein de la troupe.
Toutefois, on s’y habitue plutôt bien. Mention spéciale à Steve Gagnon, qui incarne le rédacteur en chef du journal et qui le fait avec brio!
« Chercher le bonheur dans cette vie, c’est là le, véritable esprit de rébellion. » – Henrik Ibsen
Au TNM à Montréal et au Grand Théâtre de Québec
Un ennemi du peuple sera présenté au Théâtre du Nouveau Monde du 15 mars au 9 avril, puis au Grand Théâtre de Québec du 19 avril au 14 mai.
Texte : Henrik Ibsen
Adaptation : Sarah Berthiaume
Mise en scène : Édith Patenaude
Interprétation : Emmanuel Bédard, Delphine Bertrand, Steve Gagnon, Ève Landry, Éric Leblanc, Joanie Lehoux, Roméo Lucas, Marianne Marceau, Kevin McCoy, Noémie O’Farrell, Jean-Sébastien Ouellette, Dominique Pétin, Vicktor Proulx, Anthony Tingaud,
Crédit photos : Yves Renaud
Texte : Annie Roy