
Son dernier album éponyme, sorti en mai, s’écoute d’une seule traite, comme une ballade. L’auteur-compositeur-interprète, originaire des îles de la Madeleine, nous emmène en douceur dans son univers pop-folk épuré.
Après plusieurs prix SOCAN (qui couronne les auteurs-compositeurs canadiens émergents) et Rideau 2020 (arts de la scène), un passage aux Francos de Montréal 2022 en acoustique guitare, il est apparu au grand public lors de ses premières parties effectuées pour Tire le coyote, alias Benoit Pinette. Les deux artistes partagent d’ailleurs leur amour des mots et de la nature, leur désir de suspendre le temps et leur croyance en l’intelligence des gens qui les écoutent. Nous avons eu la chance d’échanger longuement avec le jeune prodige de la scène francophone, adorable et sensible.
Ton album qui vient de sortir a été enregistré dans les Laurentides. Est-ce dû à la période où nous vivons ou pour être au calme ?
Je voulais d’abord travailler avec Éloi Painchaud, car je suis admiratif de ce qu’il réalise dans le folk. Nous avons des racines communes, car il vient aussi des îles de la Madeleine. Après deux années difficiles, le fait d’aller passer cinq jours en gang, tout le monde ensemble dans son studio dans les Laurentides, nous a fait beaucoup de bien.
Comment arrive-t-on des Îles de La Madeleine à la scène montréalaise ?
Je suis parti tôt des Îles à l’âge de 13 ans pour habiter dans les Laurentides, puis j’ai déménagé souvent. Mais j’ai commencé à jouer de la musique aux Îles. Mon amour de la musique est né là-bas, avec de la musique brute à l’oreille et traditionnelle. Cela est ancré dans la culture. En passant une guitare dans une foule sur place, il y a de grandes chances que plusieurs personnes soient capables d’en jouer.
Après une période d’apprentissage en autodidacte, je suis rentré à l’École nationale de la chanson à Granby, pour me professionnaliser vers le métier d’auteur-compositeur. Lors du spectacle de fin d’année, j’ai rencontré Benoit Pinette, Tire le coyote, qui était l’artiste invité. Il m’a aidé par la suite.
Tu avais reçu d’excellentes critiques pour ton premier disque, ainsi que des prix. Comment as-tu rebondi vers une nouvelle création ?
J’ai compris avec le premier album Hiboux [sorti en 2019] que mon processus créatif était long. J’ai commencé tôt pour celui-ci, mis en place une routine de travail. Je suis exigeant avec moi-même. Une chanson, il faut qu’elle me parle viscéralement. J’ai mis les heures nécessaires pour les finir.
Le nom de l’album Nicolas Gémus, est-ce de l’égo [sur un ton humoristique] ou est-ce que cela est parce que tu y as mis plus de toi ?
[Rires] Au départ, j’ai cherché un titre. J’en suis venu au constat que lorsque parfois l’inspiration ne vient pas je ne force jamais les choses, et comme finalement cette œuvre est plus personnelle, avec des arrangements dépouillés, à l’essence de ce que vivait, et que je renforçait les bases de ce qui était ma personnalité artistique, j’ai donc laissé ainsi.
Pour les musiques…
J’installe toujours la colonne vertébrale pour la composition, mais là j’ai travaillé aussi avec Louis Fernandez [guitariste] et Éloi Painchaud [réalisateur], qui m’ont aidé à terminer des musiques ou à en composer certaines. Avec une exception pour un titre [Folie magnétique], où les paroles et musiques sont de Benoit Pinette [Tire le coyote]. Pour les deux œuvres instrumentales [Contra et Desperado], nous les avons écrites ensemble en studio.
Certaines de tes chansons ne se donnent pas à la première écoute…
Je travaille beaucoup avec les images, je ne fonctionne pas comme un conte. Je suis un grand admirateur de Desjardins, qui est une de mes sources d’inspiration, sans vouloir me comparer à un monument de la chanson. Il faut l’écouter une fois, puis le réécouter pour comprendre toutes les subtilités. J’essaie aussi d’aller dans des choses accessibles à tous, dans le bon sens du terme, tout en étant recherchée, un peu à l’image de la philosophie de Camus que j’aime beaucoup. Gilles Vigneault disait dans une interview : « Faire simple, c’est compliqué. Faire compliqué, c’est simple ».
Mais les chansons ne m’ont pas toutes demandé les mêmes exigences. Chanson d’un fils à son père est plus brute, venue sur un moment et une émotion, et a été faite en 45 minutes. Alors que J’aimerais pouvoir te dire que je reviens ou la mine m’ont demandé beaucoup plus de temps. Je suis fier, car nous avons réussi à faire ensemble quelque chose en un court laps de temps en studio. En deux ans d’écriture, j’ai fait ce que je voulais faire, je suis finalement allé au bout de ma vision.