
Tout un monde que l’industrie de la télévision! C’est ce que nous démontre bel et bien l’auteur canadien Jason Sherman avec la pièce Dix Quatre présentée à La Licorne jusqu’au 25 février. Un feu roulant de rebondissements. Deux heures sans aucun temps mort.
Pas de tout repos
Dès le début, le spectateur est plongé directement dans le quotidien de quatre scénaristes qui doivent pondre une série télé policière. La pression est là : les délais approchent et la productrice exige des réécritures. Elle veut une émission à succès, peu dérangeante.
Tout à coup : Crac! Rien ne va plus. Un des quatre scénaristes a été victime de racisme et de brutalité policière. Il veut alors intégrer dans la série sa cauchemardesque expérience, semblable à celle de l’américain George Floyd.
Les autres collègues sont latents. Ils ne veulent pas vraiment se mouiller, ne veulent pas trop ternir l’image des policiers, telle qu’établie au début de l’écriture. Chacun tient à sa vision.
Commencent alors les coups bas et les bitcheries entre collègues et la productrice qui veut arriver à ses fins. Qui cédera? Et à quel prix?
Sans retenue
Le texte incisif de Jason Sherman aborde sans retenue l’univers médiatique qui n’est pas toujours facile avec ses choix déchirants, ses compromis et ses manœuvres déloyales auxquelles s’invitent parfois politique et pouvoir. Il en fait une description telle une rixe où se joue une carrière.
Avec son scénario coup de poing, traduit efficacement par Jean Marc Dalpé, l’auteur crée ainsi un contexte électrique sur scène qui nous captive tout au long de la pièce.
On y croit
Durant près de deux heures, les comédiennes et comédiens se livrent avec énergie à des échanges tantôt amicaux, tantôt virulents et musclés.
Avec un rythme soutenu et des dialogues savoureux et bien ficelés, les interprètes se glissent dans la peau de leur personnage de façon cohérente. On y croit.
On ne s’ennuie pas une seconde.
Mise en scène et décor
Le spectateur est introduit dans la fébrile atmosphère de création télévisuelle, grâce à une mise en scène rigoureuse signée Didier Lucien et au décor réaliste de Cédric Lord. Tout y est : la scène en forme d’écran gigantesque, le bureau, le téléphone, les tableaux de synopsis, les post-it, le distributeur d’eau.
Un reflet de notre société
Comme un rétroviseur, Dix Quatre reflète les enjeux de notre société et ses comportements inadmissibles, notamment le racisme systémique, la brutalité policière, le sexisme.
La pièce pose également la question : Quel compromis puis-je faire pour garder ma crédibilité?
Une histoire qui pourrait aussi être la vôtre.
Dix quatre jusqu’au 25 février
Produite par La Manufacture, Dix quatre est à l’affiche de La Licorne jusqu’au 25 février et sera aussi présentée du 8 au 11 mars au Théâtre Alphonse-Desjardins de Repentigny.
Texte : Jason Sherman
Traduction : Jean Marc Dalpé
Mise en scène : Didier Lucien
Interprétation : Laura Amar, Irdens Exantus, Alexandre Fortin, Norman Helms, Marie-Hélène Thibault,
Crédit photo : Suzanne O’Neill
Texte : Micheline Rouette