
Le Centre du théâtre d’aujourd’hui présente jusqu’au 8 avril Beau gars de Erin Shields. Une satire cinglante sur la représentation des femmes dans le divertissement, notamment au cinéma et à la télévision. Les femmes sont des chasseuses (non des chassées) ou des héros (pas des victimes). Après avoir vu la pièce, vous ne regarderez plus jamais vos émissions ou films de la même manière.
Genèse de la pièce
À la lumière des films, des téléséries et des pièces de théâtre que la dramaturge canadienne Erin Shields avait vus et dans lesquels les personnages féminins étaient souvent maltraités, sexualisés à l’excès ou stéréotypés, elle s’est questionnée à savoir pourquoi elle continuait à regarder religieusement ces émissions. Qu’elle en était le prix sur sa perception d’elle-même?
Ses réflexions, face à la consommation du divertissement stéréotypé qui perpétue l’inégalité des sexes, donnent alors naissance à la pièce Beau gars. Elle imagine un monde dans lequel les femmes sont les sujets et les hommes des objets.
Premier tableau
Dans un premier temps, la pièce nous plonge au cœur de la conversation de trois femmes (Oumy Dembele, Marie Bernier, Cynthia Wu-Maheux) qui dissèquent les blockbusters qu’elles consomment, dont “Game of Thrones”, les séries policières et les films historiques.
Sans retenue, sans pudeur et imperturbable, ce trio s’approprie alors le rôle de leurs héroïnes.
Leurs fabulations décomplexées ne laissent que très peu de place au beau gars (Gabriel Lemire). Il ne leur sert que de faire valoir et pour assurer le service, puisque dans leur imagination, elles maîtrisent toutes les sphères de la société, à titre de politiciennes, reines ou policières.
Au début de la pièce, il nous est difficile d’établir les bases, mais elles se font de plus en plus claires au fur et à mesure, grâce au jeu de ces trois comédiennes qui déploient une énergie palpable pour appuyer finement ce texte loin des normes.
Un texte qui décroche les rires des spectateurs. Peut-être des rires jaunes?
Deuxième tableau
Dans la deuxième partie, sous forme de monologue intérieur, ce même beau gars se glisse dans la peau d’une femme qui nous raconte ses pensées, son for intérieur, ses réflexions lors d’une fête un mercredi soir.
Alors que dans la première partie, Gabriel Lemire ne trahit aucune émotion, aucun sentiment, en interprétant l’homme objet, dans la deuxième, c’est l’opposé. L’émotion, l’angoisse, la fébrilité s’installent sur les planches.
Seul sur scène, face aux spectateurs, il rend avec une intensité prodigieuse l’émotivité de son personnage de femme, à un rythme effréné. C’est remarquable!
Une fresque de notre société
Avec ses deux tableaux, la pièce mordante et nuancée se moque non seulement de la représentation médiatique des femmes, mais elle expose également la violence du pouvoir et de la puissance en général.
Beau gars peut vous mettre mal à l’aise, mais il résonne avec notre époque.
Beau gars jusqu’au 8 avril
Création du Théâtre Surreal SoReal en codiffusion avec le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, la pièce Beau gars tient l’affiche de la salle Claude Germain jusqu’au 8 avril, incluant les supplémentaires.
Texte : Erin Shields
Traduction : Olivier Sylvestre
Mise en scène : Guillermina Kerwin
Interprétation : Oumy Dembele, Marie Bernier, Cynthia Wu-Maheux, Gabriel Lemire
Crédit photo : Valérie Remise
Texte : Micheline Rouette