
Le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui débute sa saison avec Nassara qui sera présentée jusqu’au 25 septembre. Une pièce qui résulte d’un voyage de l’auteure Carole Fréchette à Ouagadougou, au Burkina Faso. Avec une mise en scène sobre et réussie de Sophie Cadieux, Marie-Thérèse Fortin, Stephie Mazunya et Moussa Sidibé (en projection) nous plongent dans un récit qui entremêle peines intimes et violence du monde.
Que signifie Nassara ?
Le mot « Nassara » veut dire le blanc ou la blanche – en moré, langue des Burkinabés. Les enfants du pays scandent amicalement ce mot en courant vers les personnes blanches croisées dans la rue. Ce cri est plutôt joyeux et pas agressif du tout, a déclaré l’auteure en entrevue à Radio-Canada. Ces contacts furtifs et ce mot répété par les petites voix claires et joyeuses ont été une de mes sources pour écrire Nassara, ajoute-t-elle.
Les lendemains qui poussent
En compagnie d’Africains.es et d’Européens.es, une Montréalaise sexagénaire blanche, incarnée par Marie-Thérèse Fortin, participe à un colloque en agriculture urbaine au Burkina Faso, qui s’intitule « Les lendemains qui poussent ».
A la suite d’un événement surprenant qui s’est déroulé la veille, elle n’arrive pas à se concentrer durant ce séminaire. Elle est ébranlée. Ses souffrances enfouies depuis longtemps refont surface en elle.
Alors que c’est à son tour de prendre la parole, la porte de la salle s’ouvre brusquement. Ali, jeune Burkinabé de 18 ans, pénètre dans la salle. Il a en main une karachnikov …
Violences physique et intérieure
Bien ancrée sur scène, Marie Thérèse Fortin, qui se glisse à merveille dans la peau de son personnage, réussit à nous plonger dans les tourments intimes qui pourchassent Marie-Odile depuis des années. La comédienne livre son monologue avec aplomb. On reconnaît tout de suite son expérience au théâtre.
En trame de fond, Stephie Mazunya, comédienne qui a joué dans plusieurs pièces depuis sa sortie de l’École nationale de théâtre du Canada, elle nuance à point nommé le récit. Avec ses propos tranchants, elle renverse les points de vue de l’intériorité de la principale protagoniste.
S’ajoute à ce formidable duo, Moussa Sidibé, jeune finissant du Conservatoire de Bamako, au Mali, qui, avec sa voix parfois violente, parfois accrocheuse, rend avec justesse le personnage du jeune intrus Ali, âgé de 18 ans et animé par une certaine violence qui gronde en lui.
Lors des auditions pour le personnage d’Ali, Sophie Cadieux et son équipe ont eu un coup de cœur pour ce comédien. Ces trois demandes de visa pour le Québec ayant été refusées, la metteure en scène a choisi d’utiliser la voix de celui-ci à partir de son pays. Cette façon de faire rend le personnage encore plus intriguant, loin de nous mais présent en même temps.
D’une réalité désarmante
Ce que j’ai aimé particulièrement dans ce texte, c’est l’absence de prise de position face à cette violence intérieure et physique.
Quant à la scénographie, totalement dépouillée et d’une blancheur éblouissante, elle nous permet de se concentrer sur les propos d’une réalité désarmante.
Jusqu’au 25 septembre au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui
Création du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui en coproduction avec le Théâtre des Récréâtrales de Ouagadougou, la pièce Nassara sera présentée jusqu’au 25 septembre avec une possibilité de se rendre à Ouagadougou quand la situation le permettra.
Interprétation : Marie-Thérèse Fortin , Stephie Mazunya , Moussa Sidibé
Texte : Carole Fréchette
Mise en scène : Sophie Cadieux
Crédit photo : Valérie Remise
Texte : Micheline Rouette