
Le 11 janvier dernier, les médias ont été conviés sur le plateau de tournage du film Dis-moi pourquoi ces choses sont si belles… de Lyne Charlebois. On en a profité pour jaser avec Mylène Mackay, Alexandre Goyette et Francis Ducharme du long-métrage, produit par Roger Frappier, qui sortira l’automne prochain.


À la découverte des personnages
Prenez note : Le film alterne entre le passé et le présent; l’un répond à l’autre. Chaque comédien incarne un personnage dans le passé (un personnage historique) ainsi qu’un rôle dans le présent (où il incarne leur propre personnage historique lors d’un tournage). Le lien entre les deux époques, ce sont des histoires d’amour non consommées qui s’épanouiront d’une façon différente.
Marcelle Gauvreau (Mylène Mackay) est une botaniste. Elle a travaillé avec le Frère Marie-Victorin (Alexandre Goyette), celui qui a fondé le Jardin botanique de Montréal et qui a écrit le livre Flore laurentienne. Elle a d’abord été son étudiante et ensuite son assistante. Elle a probablement écrit la Flore laurentienne avec lui. Ils sont tombés amoureux. On peut comprendre qu’ils sont tombés amoureux en lisant des correspondances entre les deux de 1930 à 1944. Ils choisiront de sublimer cet amour à travers le travail et la curiosité intellectuelle qui les unit.
Elle est une femme de son temps puisqu’elle a décidé de rester vieille fille par amour pour lui. Elle préférait ne pas se marier, et rester à ses côtés. En même temps, elle était hors de son temps parce que Marie-Victorin et elle avaient des échanges, tellement poussés et assumés, sur la sexualité humaine. En lisant ça, on a peine à croire que ça s’est passé dans les années 30.
« Même en 2023, on lit ça et on se dit mon dieu. Ça va très loin dans le détail et on apprend plein de choses sur le corps humain. Je la décrirais aussi comme une femme qui aime la présence des enfants. Elle est extrêmement intelligente, réservée et pudique »
– Mylène Mackay
Frère Léo (Éric Ducharme) fait aussi partie de la congrégation des frères. C’est comme un corbeau noir qui voltige toujours autour de Marie-Victorin. Il est jaloux de cette histoire d’amour incroyable que les deux vivent. C’est un homme de son époque. Il suit les règles, la religion et la foi. Il est très envieux, et en même temps très respectueux du Frère Marie-Victorin.


Antoine (Alexandre Goyette) est un comédien. C’est un bon vivant. C’est un acteur qui a une belle carrière, mais il a ses démons. C’est un ancien alcoolique qui porte cette charge-là et c’est un combat quotidien. Roxanne (Mylène Mackay) est spéciale pour lui parce qu’il a eu une relation extraconjugale avec elle par le passé. Il n’avait jamais trompé sa femme alors qu’il était à jeun. Et là, il est à jeun et il couche avec Roxanne. Il se passe quelque chose et ça les chamboule. Et lui, il tassera ça du revers de la main parce qu’il ne veut pas faire de mal à sa femme. Six mois plus tard, ils se retrouvent à tourner ensemble. Inévitablement, il y a un malaise (il y a un éléphant dans la pièce). Elle voudrait qu’il aille plus loin et ça vient pimenter le tournage.
Roxanne est complètement sans filtre, intense, bouleversée par tout et émotive. Elle est plus extravertie, mais elle est aussi une grande romantique. « C’est le fun de faire le parallèle entre les deux parce qu’ils ne sont pas du tout à l’aise de la même façon dans leur corps et dans leur amour », ajoute Mylène Mackay.
« Mon personnage de Michel est un gars qui me ressemble beaucoup plus », déclare Éric Ducharme. Il est de son temps et il questionne. Le féminisme et l’homosexualité, ce n’étaient pas les sujets les plus maitrisés par Marcelle et Marie-Victorin. Michel est un acteur très sérieux. C’est quelqu’un de libre, de curieux, d’ironique et de joyeux. Tandis que le Frère Léo est super straight, voire psychorigide.


Pour mieux comprendre les écrits entre Marie-Victorin et Marcelle
(Explication de Alexandre Goyette)
Tandis que Marcelle Gauvreau restera vierge toute sa vie. Frère Marie-Victorin franchira la ligne. Il n’aura pas de relation avec Marcelle, mais il s’est déjà passé quelque chose avec une femme russe dans un hôtel à Chicago, et parfois il paye des prostituées pour voir le corps des femmes et comprendre ce qui se passe. Tout ça, il l’écrit à Marcelle et il lui dessine des corps de femmes. Ils sont vraiment dans une quête scientifique, ils veulent comprendre la sexualité. Comme on le sait, ils sont intéressés par la flore et la reproduction des plantes. À un moment donné, Marie-Victorin a écrit à Marcelle : tu ne trouves pas que les pétales d’une fleur, ça ressemble un peu au sexe d’une femme. À l’époque, personne ne parlait de sexualité. Tu ne parlais pas de ça parce que c’était mal et sale. Même pour eux, ils ont probablement aussi un malaise à en parler. Toutefois pour l’écrire, ça allait et ils vont y aller au top. C’est une grande histoire, ils ont une passion commune. Marie-Victorin clamait que si Dieu nous avait donné un pénis et un vagin, ça veut dire que c’est une bonne chose et que c’est bon. Si Dieu nous a donné la capacité de jouir, ça veut dire que c’est bon, mais il faut le faire correctement. Pour se faire, il faut comprendre comment ça fonctionne. À force de poser des questions, ils se rendent compte qu’il n’y a pas une femme qui jouit de la même façon, qui ressent les mêmes choses et qui a les mêmes désirs, envies et besoins.


Quelle est la vérité ?
Ce qui fascine Mylène Mackay, c’est de tourner un film sur leur histoire sans que l’on connaisse toute la vérité à leur sujet. « On ne sait pas vraiment ce qu’ils ont vécu. On lit ce qu’ils se sont écrit, mais on a pas accès aux lettres des deux dernières années (avant le décès du Frère Marie-Victorin). Alors, on peut se l’imaginer et je trouve ça vraiment intéressant », révèle-t-elle.


Rouler ses r?
Le plus grand défi d’ Alexandre Goyette a été de trouver le bon niveau de langue. « J’ai entendu la voix de Marie-Victorin et je pleurais de rire. On ne peut pas faire ça aujourd’hui, cela aurait l’air d’une blague », indique l’acteur. Comme presque tous les dialogues de Marie-Victorin sont des écrits, il y a quelque chose dans la syntaxe. « Quand on écrit, ce n’est pas comme quand on parle. À l’époque, c’était encore plus vrai. Il y a eu un gros travail d’appropriation pour trouver le bon niveau », dit-il.
Marcelle Gauvreau trouble beaucoup son personnage d’Antoine parce qu’il y a énormément de choses qu’elle a écrites qui font écho à sa relation avec Roxanne « Ce qu’elle dit, mon personnage l’a en pleine face. Je pense que le plus difficile pour lui c’est d’entendre ces mots-là dans la bouche de cette femme », déclare l’acteur qui avoue avoir eu du plaisir avec les moments de confusion à savoir si une telle scène fait partie du passé ou du présent.
Tournage d’une scène avec Mylène Mackay
Le tournage au Québec a débuté en septembre dernier, et se poursuivra au courant des prochains jours à Cuba. Lors de cette journée, on a eu la chance de photographier une scène impliquant l’actrice Mylène Mackay (incarnant Marcelle Gauvreau, 23 ans en 1931).
C’est une scène dans laquelle son personnage marche dans la poudrerie en plein hiver. Elle se sent souvent seule durant l’hiver puisque le Frère Marie-Victorin séjourne à Cuba (il a fait sept voyages entre 1938 et 1944) durant la saison froide. « Elle vit beaucoup d’émotions par rapport à la distance. Même s’il lui manque, elle ne le fait jamais sentir coupable de ses absences. »

















Éléments des années 30 dans le décor





En préparation …








Distribution
Alexandre Goyette, Mylène Mackay, Rachel Graton, Francis Ducharme, Sylvie Moreau, Marianne Farley et Vincent Graton.