
« Tu es tombée dans la marmite de chocolat » lui disait, sur un ton taquin, sa mère adoptive lorsque Phara Thibault, toute petite, l’interrogeait sur sa différence de couleur de peau. Dans un monologue autobiographique intitulé Chokola, cette auteure et comédienne dans la vingtaine nous fait part de son vécu, en jouant son propre rôle. La pièce, d’une troublante lucidité, est présentée à la Petite Licorne jusqu’au 14 avril.
Écrite en 2020,dans la foulée du mouvement Black Lives Matter, Chokola, la première pièce de Phara Thibault, remporte la 26e édition du Concours intercollégial d’écriture dramatique de l’Égrégore.
Lire ce texte, oui bien sûr, mais l’entendre nous le partager sur scène nous va droit au coeur.
D’Haïti à un village « miniature » en Beauce
Née en Haïti et adoptée à deux ans et demi par une famille Québécoise vivant à Sainte-Germaine-du-Lac-Etchemin en Beauce, Phara Thibault s’est toujours sentie différente dans un monde de Blancs.
Sous forme de consultations chez une psychologue (Lise Martin), de réflexions et de lettres à sa mère, elle nous raconte sa perception et ses réalités au fil du temps.
Petite fille, elle pense devenir blanche avec les années comme les enfants de son entourage.
À partir de l’adolescence, elle est tourmentée et se pose des « questions d’acier » comme elle le dit si bien sur scène.
Comment construire son identité quand on est Noire et qu’on a été éduquée par des parents blancs ? Qu’est-ce qui détermine l’appartenance à une communauté ?
Tous ces questionnements l’amènent à vouloir mordicus retrouver ses origines. Elle veut par-dessus tout retracer sa mère biologique. Son souhait le plus cher…
Aplomb et intensité
Avec un texte à la fois d’une forte puissance et imprégné d’humanité, Phara Thibault nous entraîne habilement et sans porter de jugement, à prendre conscience des préjugés raciaux parfois inconscients qui nous habitent.
Sur les planches, elle nous parle de son vécu avec aplomb et intensité. Ces paroles nous cherchent et nous trouvent. Elle nous secoue.
Mise en scène efficace
Sur scène, quelques meubles des années 80 nous identifient les tableaux dans lesquels évoluera la comédienne. Chaque tableau est introduit par une chorégraphie rapide et saccadée exécutée sur une musique syncopée.
Gestuelle fragile de partage et d’ouverture, chorégraphie et musique font référence à la charge émotive que ressent l’actrice. Cette façon de faire, très réussie d’ailleurs, nous communique efficacement ce trop-plein d’émotions.
Encore une fois Marie-Ève Milot nous prouve qu’elle a du talent, pas seulement comme actrice et écrivaine, mais comme metteure en scène.
Tout un duo !
Phara Thibault et Marie-Ève Milot, un duo qui se complète de façon impressionnante.
“J’ai su que j’avais entre les mains le cœur battant d’une personne au talent immense, brut, au souffle rare, un souffle qui fait trembler les pages, les murs, les tempes”, fait valoir la metteure en scène.
Chokola jusqu’au 14 avril
Production de la Manufacture, Chokola est à l’affiche de la Petite Licorne jusqu’au 14 avril.
Texte : Phara Thibault
Mise en scène : Marie-Ève Milot
Interprétation : Phara Thibault, Lise Martin
Crédit photo : Suzane O’Neill
Texte : Micheline Rouette