
Le Théâtre du Nouveau Monde termine sa saison en présentant jusqu’au 28 mai, la dernière création de Michel Tremblay, Cher Tchekhov. Jouée par une distribution impressionnante et mise en scène par le passionné Serge Denoncourt, cette pièce nous plonge au cœur du processus d’écriture d’une œuvre théâtrale où le doute persiste, même chez les plus grands écrivains qui possèdent une impressionnante feuille de route comme celle de Michel Tremblay.
Issue de son roman Le cœur en bandoulière paru en 2019, Cher Tchekhov rend hommage au dramaturge russe Anton Tchekhov que Michel Tremblay admire, en saluant à la fois, bien humblement, tous les artistes.
Au rythme de l’auteur
Jean-Marc (Gilles Renaud – acteur fétiche de l’auteur), écrivain vieillissant, est assis à son bureau dans un coin de l’avant-scène. Il trouve dans un tiroir une pièce inachevée en hommage à Tchekhov.
Il relit à voix haute, pour les spectateurs, le texte qu’il a créé quelques années plus tôt . Il hésite sur la forme, le rature, l’annote, le réécrit. Il est en suspend face à sa dramaturgie.
Au fur et à mesure de la réécriture de ce roman inachevé, les comédiens intègrent la scène pour se glisser dans la peau des personnages. Ils joueront en temps réel les répliques, au rythme de la lecture et des changements de l’auteur Jean-Marc, l’alter-ego de Michel Tremblay, à l’aube de ses 80 ans.
Est-ce bon ? Suis-je dépassé?
Est-ce bon? Suis-je dépassé? Ce sont ces doutes et inquiétudes qu’a voulu partager Michel Tremblay avec nous, les spectateurs. Il nous fait entrer dans sa tête pour l’accompagner lors d’une création théâtrale et nous faire vivre un spectre de sentiments affectifs et intuitifs.
Une famille d’artistes
La pièce se déroule en fin d’après-midi où se réunit une famille d’artistes de théâtre pour le souper de l’Action de grâce, dans la maison familiale.
Au cours de cette rencontre, les discussions s’animent, certaines confidences sont révélées, mais tout se passe quand même bien. Ils attendent leur sœur Claire (Anne-Marie Cadieux) dont la carrière est éclatante.
Elle est adulée du public alors que les autres membres de la famille ont chacun leur travers, ils vieillissent, ils ont peur d’être oubliés, d’être dépassés, d’être en panne d’inspiration.
À l’arrivée de Claire, au bras de son nouvel amoureux – critique de théâtre – s’ensuivront des discussions animées, des « bitcheries », des propos peu élogieux à l’endroit de ce critique.
Un tableau où on se déchire, où on règle ses comptes, où on s’aime et où on résiste aux bonnes critiques comme aux mauvaises.
Nous surprendre encore une fois
Grâce à sa mise en scène fort habile qui valorise les comédiens et l’essence même de cette dramaturgie pleine d’humanité, Serge Denoncourt nous introduit adroitement au cœur de l’univers de la création. Il nous prouve encore une fois la maîtrise de son savoir-faire.
La lecture à voix haute de Gilles Renaud qui nous ouvre les portes des aléas de l’écriture, le jeu des huit comédiens qui est juste et à la hauteur de la richesse du texte de Tremblay, les pans de la maison qui se construisent et se déconstruisent, symbole de l’hésitation dans la création, tous ces éléments montrent à quel point Serge Denoncourt sait orchestrer et adapter au théâtre un texte intelligent et sensible tel que celui notre auteur national.
Jusqu’au 28 mai
Cher Tchekhov est à l’affiche du TNM jusqu’au 28 mai, avec un texte savoureux de Michel Tremblay, une mise en scène extraordinaire de Serge Denoncourt et huit comédiens qui nous offrent un spectacle du tonnerre. Voici le savoir-faire québécois.
Texte : Michel Tremblay
Mise en scène : Serge Denoncourt
Interprétation : Mikhail Ahooja, Anne-Marie Cadieux, Henri Chassé, Maude Guérin, Patrick Hivon, Hubert Proulx, Gilles Renaud, Isabelle Vincent.
Crédit photo : Yves Renaud
Texte : Micheline Rouette