
C’est avec l’excellente pièce Salle de nouvelles, inspirée du film Network, que le Théâtre Duceppe a lancé sa 51ème saison. En compagnie d’une imposante distribution de 11 acteurs, Denis Bernard interprète avec fougue et intensité le rôle exigeant d’Howard Beale, un lecteur de nouvelles sur le déclin d’une chaîne de télé américaine. Menacé de congédiement, il décide d’annoncer, en ondes, son suicide à venir. Les cotes d’écoute montent en flèche et ses patrons vont en tirer parti, jusqu’à ce que le personnage commence à trop déranger…
La pièce Salle de nouvelles a été présentée pour la première fois en 2021 à Québec, au Théâtre du Trident.
Deux ans plus tard, pandémie oblige, Denis Bernard reprend, pour notre plus grand plaisir, ce rôle magistral pour lequel il a remporté le prix d’interprétation masculine de l’Association québécoise des critiques de théâtre.
Et quelle interprétation grandiose de ce rôle complexe, fascinant et dérangeant!
Efficacité dans l’action
Recréant une salle de nouvelles, on se retrouve sur un plateau de tournage où la scénographie y est efficace, avec l’utilisation de plusieurs télés et caméras vidéo.
Telle une fourmilière, la production grouille d’intervenants qui se déplacent autour du commentateur, les différents acteurs y interprétant plusieurs rôles tout au long de la pièce.
Mise en scène par Marie-Josée Bastien, la pièce nous offre un rythme qui devient de plus en plus endiablé à mesure que le changement s’effectue chez Howard.
Ce présentateur-vedette un peu pépère, réalisant qu’il n’a plus rien à perdre, va devenir le nouveau prophète du peuple, en disant tout haut ce que tout le monde pense tout bas.
Qu’il soit dépressif ou complètement cinglé, ses patrons vont profiter de cette popularité inespérée.
De lecteur de nouvelles ennuyant à vedette de l’écran
Howard, de retour en ondes, va donner son opinion avec ironie et désenchantement.
Acclamé par le peuple, ce nouvel évangéliste des médias s’insurge contre l’hypocrisie de l’époque et devient leur porte-parole: « Le prix du pétrole augmente et le Président, que fait-il? Rien! Business as usual! »
Howard encourage des millions de téléspectateurs à se rebeller et à scander tous en cœur : « J’suis écœuré, puis j’suis tanné de me faire niaiser! »
Face à sa popularité grandissante, la direction modifie la production de son émission: la Salle de nouvelles va se transformer en plateau de télé dynamique, le « Howard Beale Show », avec chanteuse et animateur de foule.
La foule étant le public dans la salle, le défi pour les acteurs sera alors de jouer à la fois pour la scène et pour l’écran.
Défi de taille atteint par les interprètes et le personnage principal qui, offusqué et enflammé, lancera ses quatre vérités au public et commencera à remettre toute l’industrie en question : « La télé est un parc d’attractions, on fait juste vous dire ce que vous voulez entendre. » « Vous ne lisez plus, et vous croyez tout ce que la télé vous dit, car c’est tout ce que vous avez toujours connu! »
Un gourou devenu incontrôlable
Face au public qui en redemande, Howard en arrive même à s’insurger contre sa propre compagnie d’informations, à dénoncer ce système monétaire qui mène le monde, à coup de cotes d’écoute.
La machine médiatique s’emballe et le système, qui a profité de la popularité d’Howard, va finir par trouver le moyen de s’en débarrasser.
Palpitant et dérangeant
La pièce Salle de nouvelles nous raconte non seulement une histoire palpitante, mais avec un propos dérangeant, qui nous pousse à nous poser des questions face à cette industrie sans merci, celle de la télévision et des médias.
Le temps a passé depuis la sortie du film Network, mais le propos demeure, plus que jamais, très actuel.
Présentée en première médiatique montréalaise le 7 septembre, c’est devant leurs pairs que les comédiens de la pièce Salle de nouvelles ont reçu pas une, ni deux, mais trois ovations grandement méritées!
Salle de nouvelles jusqu’au 7 octobre
En coproduction avec Le Trident et le Théâtre Niveau Parking, la pièce Salle de nouvelles est présentée chez Duceppe jusqu’au 7 octobre.
Texte: Lee Hall d’après le scénario de Paddy Chayefsky
Mise en scène : Marie-Josée Bastien
Traduction : David Laurin
Avec : Mustapha Aramis, Sylvio Arriola, Charles-Étienne Beaulne, Emmanuel Bédard, Denis Bernard, Florence Blain Mbaye, Luc Bourgeois, Gabrielle Côté, Hugues Frenette, Eliot Laprise, Marie Michaud, Marie-Eve Pelletier,
Crédit photo : Dany Taillon
Texte : Josée Laberge