
À l’occasion de la sortie du film L’ombre des corbeaux (Bones and Crows), le 2 juin prochain, qui raconte le parcours d’une jeune autochtone, Aline Spears, ayant survécu aux pensionnats catholiques dans les années 1930, nous nous sommes entretenus avec l’actrice Karine Vanasse qui y tient un rôle à contre-emploi de sa bienveillance naturelle.
Quand on se fait offrir un rôle comme Sister Ruth, rôle qui représente un côté peu glorieux de l’histoire canadienne et catholique, est-ce qu’on accepte immédiatement?
Quand la proposition est arrivée, l’histoire était tellement forte et l’intention que je sentais de la scénariste et réalisatrice, Marie Clements (elle-même métisse), était de montrer que oui, ces religieux ont commis des atrocités et provoqué des traumas qui se font encore sentir aujourd’hui, mais en même temps, eux aussi avaient leur réalité. Ils pensaient bien faire et appliquaient des principes dont ils étaient presque forcés. À quel point peut-on se rendre loin comme humain quand tu penses que tu fais la bonne chose, mais que tu n’es pas dans un contexte où tu questionnes l’autorité avec laquelle ces concepts sont appliqués. Marie Clements m’expliquait d’ailleurs que dans ses recherches, elle découvrait que la plupart de ces sœurs-là vivaient elles-mêmes des abus provoqués par les autres membres de l’Église.
Justement, parlant de Marie Clements, quand on voit le film, ce n’est pas montré de manière ostentatoire, c’est très sensible et touchant. Tu peux me parler de son approche, à quel point c’est un projet de passion pour elle?
On sent le désir de raconter son histoire, mais de façon large, de célébrer aussi qui ils sont, ce qu’ils ont réussi à garder vivant malgré les horreurs. Le cinéma permet ça! On ne vient pas juste magnifier, mais aussi redonner une valeur à quelque chose et prendre le temps de dire à quel point c’est lumineux. Il y a une portion de l’histoire difficile qu’il faut montrer mais en même temps, il y a beaucoup de force qui s’en dégage et les acteurs autochtones portent vraiment cette force à travers le film. J’ai terminé mon écoute en étant vraiment admirative de tout ce qu’ils ont dû mettre en place pour être là maintenant, leur combat pour faire reconnaître leur histoire, mais également triste qu’on ait mis ça de côté, s’étant coupé nous-mêmes de cette richesse-là qui fait partie de qui on est. Bref, je suis bien fière de faire partie de ce projet.


C’est un sujet qui te parlait déjà avant de faire ce film…
Le film réunit plusieurs concepts dont on commençait à entendre parler. La réalité des pensionnats autochtones, le concept de vérité et réconciliation, les femmes disparues. Les répercussions des pensionnats, ce n’est pas juste en 1930, les derniers se sont fermés en 1996. C’est encore tout récent, tout frais, c’est normal que les traumas soient encore à vif. Je pense que comme tout le monde, je suis amené à être plus consciente de ces vérités et le film aide à faire les liens entre tout ça aussi.
Justement, vous avez tourné dans un vrai pensionnat…
Non seulement on a tourné dans un vrai pensionnat, mais on a tourné là où ils ont trouvé les premiers corps d’enfants ayant lancé toutes les recherches à travers le pays.
À quoi ressemblait l’ambiance sur le plateau ?
C’est le plateau le plus spirituel que j’ai pu vivre. C’était même prévu à l’horaire avec des séances de purification en début de journée, entre les scènes, surtout les plus difficiles avec les enfants. Pour nos personnages de Rémy Girard et moi, avant de commettre des gestes plus agressifs, les aînés présents faisaient des cérémonies pour que les esprits ne se mélangent pas avec les vrais gestes commis. Ça nous remet face à toute leur sagesse par rapport au monde dans lequel on vit, leurs croyances. C’est un des plus beaux tournages que j’ai pu voir.
En parlant de tourner avec des enfants, tu peux nous parler de ta collègue, Summer Testawitch qui interprète la jeune Aline, quelle était votre relation?
Oh, elle est merveilleuse! Elle était vraiment bien accompagnée, bien préparée. Ils lui faisaient chanter des chants de sa communauté quand elle venait vers moi avant les scènes plus violentes pour rééquilibrer les pouvoirs. C’est une petite fille que j’ai beaucoup aimée.




Comment ressort-on à la fin du film?
On en ressort fier de l’avoir regardé, en mettant plus de côté cette honte de ne pas connaître leur histoire. Il y a une beauté, une Drive qui est inspirante. Il y a des combats qu’ils mènent que tu as envie de mener avec eux encore plus. On ne peut pas les mener si on ne comprend pas d’où ils viennent et ce visionnement est un bon point de départ. C’est difficile parce que ce n’est pas toujours beau, mais le film est inspirant dans cette résilience. C‘est un mot qui peut vouloir dire bien des choses, mais là on voit comment il peut être incarné réellement.
L’ombre des corbeaux prendra l’affiche en version originale anglaise et française le 2 juin.

Alexandre Brosseau Camara | Journaliste
Contrairement aux enfants de son âge qui collectionnaient les billes et les Pogs, Alexandre possédait des boites complètes de TV Hebdo. Mordu de cinéma, d’humour et de musique, il tomba dans la culture rock’n’roll à l’adolescence en même temps que l’acné loua un bail sur son visage. Fier millénial qui a vu en show tous les groupes préférés des baby-boomers, il n’oublie pas que son premier spectacle fut les Backstreet Boys avec sa famille.