
Le Théâtre du Nouveau Monde (TNM) ouvre sa saison avec la pièce Courville que Robert Lepage avait offert en 2021 à Québec. Jusqu’au 15 octobre, le dramaturge et metteur en scène nous convie encore une fois à un rendez-vous théâtral hors norme. Sur les planches, le comédien Olivier Normand, polyvalent et talentueux, accompagné de marionnettes géantes, nous racontent avec brio l’adolescence tumultueuse de Simon. Une symbiose remarquable!
Les hauts et les bas de Simon
Au lever du rideau, un sculpteur nommé Simon travaille seul sur scène. Il porte une combinaison orange sur lequel est inscrit un numéro.
En prenant une pause, il nous parle de son adolescence qui se déroule dans les années 70, à Courville qui fait maintenant partie de Québec, et de toute la complexité de cette période de sa vie, sa sexualité, ses amitiés, ses inquiétudes, ses émotions.
Rien n’est facile pour Simon. Il a 17 ans. Son père vient de décéder. Il a établi son quartier général dans le sous-sol pour laisser sa chambre à un oncle bizarre et suspect. Il a constamment des conflits avec sa mère.
Côté cœur, Simon est troublé par l’ambiguïté de sa relation avec son amie Sophie et celle du beau Simon, un sportif, sauveteur à la piscine municipale qui fait aussi de l’escalade.
En somme, le quotidien de Simon est morne et sans lustre.
Rien de nouveau comme sujet, me direz-vous.
Détrompez-vous, car l’imagination fertile ainsi que la créativité de Robert Lepage et la troupe Ex Machina n’ont pas de borne. Par l’intrigue, la mise en scène et le choix des artistes, ils ont su nous le prouver à nouveau avec la pièce Courville
Une mise en scène bien huilée
La scène du TNM est utilisée à grand renfort. Elle est divisée en deux parties. Par un mécanisme ingénieux, le plafond du sous-sol où Simon se réfugie, bascule pour faire découvrir au spectateur l’environnement extérieur où se déroule une partie de l’action.
Pour une mise en contexte, des effets visuels sont projetés sur le fond de scène : la chute Montmorency, l’école, les rues, la piscine, le premier étage de la maison, une visite au musée.
En plus des projections impeccables, l’ambiance des années 70 est consolidée par des repères de cette période : la politique au Québec avec le Parti Québécois, les tensions linguistiques entre français et anglais, les matchs de hockey canada-soviétiques et la musique de cette époque avec notamment celle de King Crimson et la chanson “Oui, paraît-il” de Nicole Martin.
C’est dans cette atmosphère que le comédien Olivier Normand et les marionnettes géantes racontent avec un réalisme touchant et sans compromis l’adolescence trouble de Simon.
Donner vie aux marionnettes grand format
Pour incarner les personnages dont les adolescents, le metteur en scène a fait appel au bunraku, forme classique du théâtre japonais. Cette tradition du XVIIe siècle demande qu’un seul acteur interprète tous les rôles des marionnettes manipulées par trois artistes.
Selon les personnages, Olivier Normand transforme avec énergie et à une cadence ahurissante son maintien, sa voix, ses intonations et modifie avec justesse le rythme des répliques selon le texte. Sa présence sur scène est impressionnante !
Les casteliers ne sont pas en reste. Wellesley Robertson III, Caroline Tanguay et Martin Vaillancourt manipulent les marionnettes grand format avec beaucoup de dextérité et précision. Ils leur donnent vie avec un réalisme puissant. Bravo pour cette performance!
Ce va et vient sur scène nous captive, on oublie ces artistes en noir et on porte notre attention uniquement sur les marionnettes.
Tout est réglé au quart de tour sans aucun temps mort pendant presque deux heures.
Encore une fois Robert Lepage et Ex Machina nous offrent un beau cadeau. Faut voir cette pièce captivante par son intrigue et son récit.
Courville jusqu’au 15 octobre
Production d’Ex Machina, Courville est à l’affiche du Théâtre du Nouveau Monde (TNM) jusqu’au 15 octobre incluant les supplémentaires.
Texte, conception et mise en scène: Robert Lepage
Avec : Olivier Normand
Manipulation des marionnettes : Wellesley Robertson III, Caroline Tanguay, Martin Vaillancourt
Crédit photo : Yves Renaud
Texte : Micheline Rouette