
Jusqu’au 22 avril, le Théâtre aux Écuries présente Bonnes Bonnes de la compagnie Nervous Hunter. La pièce, co-écrite par Sophie Gee et Tamara Nguyen, aborde la réalité d’immigrants de deuxième génération qui ont grandi déchirés entre deux cultures.
Du Genet à la sauce chinoise
Bonnes Bonnes met en scène trois femmes d’origine chinoise : Sophie, Charo et Meilie. Elles se réunissent autour d’un film créé par l’une des leurs : l’adaptation de la pièce Les Bonnes de Jean Genet.
Autour d’une sauce typique qu’elles s’affairent à concocter ensemble, chacune y va de ses commentaires sur ce qui se déroule à l’écran. Il n’y a pas que la sauce qui pique!
Une dualité lourde à porter
Ensemble, elles comparent l’enfance du fils de Sophie que celle-ci prend dans ses bras, dépourvue de marques d’affection flagrantes. Elles échangent aussi sur leur rapport amour-haine à la blancheur et parlent de la colonisation de leur esprit.
Elles discutent de l’évolution de leurs sentiments quant à leur identité chinoise.
Il est d’abord question de honte. Elles évoquent les railleries dont elles ont été victimes en raison du contenu de leur boite à lunch.
Elles mentionnent aussi que la langue de leurs parents était réservée pour la maison. Le français était parlé à l’extérieur par désir de se fondre dans la masse, mais surtout d’appartenance.
Puis, la conversation prend un autre tournant alors que les trois amies mentionnent tout ce qui les rend fières dans la culture chinoise. On projette alors une scène du film Crazy Rich Asians. Une famille chinoise arrive dans un hôtel de luxe à Londres. Le gérant, raciste, les traite d’abord avec condescendances avant de réaliser qu’il a devant lui la nouvelle propriétaire de l’hôtel.
Et si les rôles étaient inversés?
S’ensuit alors un moment d’exaltation où les protagonistes s’imaginent un monde où la Chine serait la première puissance mondiale.
On décrit le monde en substituant tous les référents blancs par des éléments de la culture chinoise. Puis, ce sentiment fait lentement place à l’inquiétude en s’imaginant les possibles débordement d’une autre colonisation.
Dans la pièce originale de Genet, les bonnes qui entretiennent une relation amour-haine avec leur employeuse complotent pour la tuer. On peut y voir une métaphore avec la culture du colonisateur qu’on fantasme d’éradiquer. Or, dans son film, Sophie se demande si elle doit conserver cette fin.
Bien qu’il semble nous manquer certaines clés pour bien comprendre le vécu des personnages, la pièce provoque quand même une introspection chez le spectateur. Mais utiliser l’art pour nous faire réfléchir, n’est-ce pas là le propre du théâtre?
Bonnes Bonnes jusqu’au 22 avril
Production de la compagnie Nervous Hunter, la pièce Bonnes Bonnes est présentée au Théâtre aux Écuries jusqu’au 22 avril.
Texte : Sophie Gee, Tamara Nguyen
Mise en scène : Sophie Gee
Distribution : Sophie Gee , Charo Foo Tai Wei, Meilie Ng
Crédit photo: Svetla Atanasova
Texte : Nancie Boulay