Pour son quatrième album, l’auteur-compositeur-interprète Simon Kearney se plonge dans la tranquillité et les racines, tout en explorant les émotions pures qui nous complètent. Intitulé L‘Île, les chansons sont inspirées par les quatre îles qui sont proches de lui: L’Île d’Orléans et Montréal, où il divise son temps, les Îles-de-la-Madeleine et Cuba, ainsi que les endroits sur la route comme Sainte-Anne-des-Monts en Gaspésie (la chanson étant une réinterprétation d’Hotel California des Eagles).
Notamment plus folk dans le son, avec la légèreté et la douceur, l’album est aussi rempli des mélodies latino-américaines qui ont commencé à influencer l’identité de l’artiste.
On a rencontré Simon Kearney à l’Espace Félix Leclerc, à L’Île d’Orléans, avant la sortie de l’album, pour jaser de L’Île et de ses paysages musicaux.
Est-ce que toutes les chansons sur l’album sont liées à une île?
Pas directement. Il y a un côté folk minimaliste et, quand on pense au folk, on pense à la campagne et à la nature. Cet aspect de la nature et l’introspection sont liés à L’Île d’Orléans. Il y a des histoires qui se sont passées à Montréal et les rencontres que j’y ai faites. Je ne pense pas que je nomme les lieux ou la ville, mais il y a beaucoup d’histoires qui étaient vécues.
Sainte-Anne-des-Monts est une ville en Gaspésie. Au fond, cette chanson parle précisément du Sea Shack, une auberge de jeunesse où il y a des spectacles. En ce qui concerne les Îles-de-la-Madeleine, c’est surtout dans la tradition de la musique acadienne. Même si Zachary Richard n’est pas nécessairement un Madelinot (il est un acadien de la Louisiane) on parle d’une parenté musicale indéniable. J’essayais de m’inspirer de tout l’aspect musical acadien des îles. Les Madelinots tripent sur la musique country.
Pourrais-tu parler de la culture là-bas? Même si c’est au Québec, c’est très lié à l’Acadie, donc remarques-tu un mélange de cultures?
Ma famille vient de la Gaspésie. Mon père et ma mère viennent de la Baie-des-Chaleurs. Ils m’ont transmis la tradition de la musique country. Quand je suis parti la première fois pour les Îles-de-la-Madeleine, j’ai réalisé que cette tradition était vraiment présente. Ça m’a donné le goût de réécouter beaucoup de chansons avec de l’accordéon, du violon, et du banjo. C’est pour ça que j’avais envie de revenir à des trucs que mes parents ont écouté lors que j’étais jeune.
Quelle est ta relation avec L’Île d’Orléans? Évidemment, c’est un endroit où tu passes beaucoup de temps, particulièrement d’une manière créative, mais est-ce que tes sentiments ont changé à travers les années?
Oui, c’est un album qui parle de peine d’amour et de rupture amoureuse. J’ai traversé des moments vraiment joyeux et quand même tristes aussi. C’est un endroit où je me permets d’être plus introspectif et de prendre du temps pour réfléchir. Il y a la manière concrète pour voir l’Île d’Orléans, mais aussi la manière plus métaphorique. C’est comme un univers où je suis seul sur mon île pour penser à mes choses.
Avais-tu beaucoup visité l’Île d’Orléans quand tu étais jeune? Ou est-ce que l’envie de t’installer ici est venue en tant que musicien?
Je suis allé quelque fois quand j’étais jeune pour cueillir des pommes et pour les sorties scolaires, mais ça ne m’avait pas autant marqué que quand je l’ai redécouvert à l’âge d’adulte.
Tu as aussi un appartement à Montréal. Quelle est la différence entre Montréal et Québec par rapport aux processus créatifs?
Montréal est un endroit où je vais pour faire des shows, pour enregistrer les albums, et pour être plus dans un espace d’activité. C’est vraiment une ville qui est en mouvement, donc quand j’y vais, c’est vraiment intense. J’aime avoir un équilibre où je peux me faire du fun à Montréal puis, après ça, relaxer à L’Île d’Orléans.
Tu visites les îles-de-la-Madeleine chaque été, donc quand ce lien a-t-il été formé et est-ce que tu y vas pour des raisons musicales ou pour te reposer?
J’y vais tout le temps pour faire un show et je décide toujours de rester plus longtemps. Cet été j’y retourne à la fin du mois d’août. On va faire un spectacle et on aimerait enregistrer un peu de musique là-bas aussi. Les gens sont tellement intéressés par la musique. Par exemple, si tu joues de la musique, les gens entrent pour voir, puis ils sont comme «eh, joue de la guitare, là» et tu arrêtes une second et ils sont comme «Pourquoi tu arrêtes? Continue, vas-y!» Ils mangent de la musique.
En ce qui concerne ces trois îles, L’Île d’Orléans, Montréal et les Îles-de-la-Madeleine, qu’est-ce qu’ils apportent à la culture québécoise selon toi? Évidemment, ils ont chacun leur charme.
Je pense qu’ils représentent plusieurs chapitres de notre histoire. L’Île d’Orléans, c’est le berceau de l’Amérique française, c’est là que les colons sont arrivés pour la première fois et qui ont vu cette île magnifique. Ensuite, Félix Leclerc, notre poète national, s’est installé-là. Montréal est vraiment dans la modernité, c’est un peu comme le New York du Québec. L’île d’Orléans, c’est pour s’inspirer, Montréal c’est pour créer et je pense que les Îles-de-la-Madeleine sont comme le pont de tout ça. C’est comme un endroit un peu isolé, mais il y a quand même la richesse.
Quand as-tu visité Cuba pour la première fois?
Je peux dire que je suis allé quand j’avais douze ans, mais ça ne compte pas parce que j’étais dans un resort. Il y a deux ans, je suis parti avec un de mes amis et j’y suis retourné le mois passé.
Ce que j’aime dans la vidéo de Cha cha, c’est l’interaction que tu avais avec des locaux. On a l’impression qu’il y avait vraiment un échange de cultures. Qu’est-ce que tu as appris en parlant avec ces gens?
J’ai appris beaucoup de choses. J’ai appris que c’est vraiment un peuple qui a envie de vivre et d’être libre. Ça fait plusieurs années qu’ils vivent dans un climat qui est très oppressif, mais ces gens-là gardent toujours leur sourire. Il y a une résilience qui est admirable. J’ai aussi appris que si tu pars là-bas avec un instrument de musique, tu n’es pas nécessairement un touriste, mais tu es un voyageur. Les gens aiment vraiment ça. Donc, je pouvais créer des affinités par le fait de jouer de la musique avec eux même si je ne parle pas vraiment bien l’espagnol. Au moins, je parle la musique et cette langue est universelle.
Est-ce que ces interactions étaient quelque chose que tu avais l’intention de faire avant le voyage et l’enregistrement de la vidéo ou est-ce que c’était tout spontané?
Je savais que j’y allais pour faire de la musique et pour prendre des images, mais les interactions étaient spontanées. Mon prochain objectif, c’est d’apprendre l’espagnol et d’aller enregistrer un album là-bas. Je suis en train de suivre un cours d’espagnol. Donc la prochaine fois que je retournerai à Cuba, je veux vraiment parler l’espagnol avec eux.
Pourquoi as-tu décidé de mettre Jusqu’à Noël sur l’album? Il semble que les grelots ne sont pas seulement pour décembre...
Je trouve que quand on écoute la chanson pendant Noël, ça fait très Noël, mais je trouve qu’elle a sa place à travers de l’album et il y a un aspect très latin dans cette chanson avec le bongo et le conga, donc elle se marie bien avec le reste de l’album. Je pensais aussi à Beau Dommage et leur chanson 23 Décembre qui est sur l’album Beau Dommage.
Si on compare L‘Île avec tes autres albums, dirais-tu que c’est ton album le plus personnel? Il y a des histoires derrière ces chansons et les endroits, mais, aussi, le fait que c’est très folk dans le son donne de l’intimité.
C’est vraiment un album où je me mets le plus à nu, par exemple avec la technique de l’enregistrement. En quatre jours, on a enregistré tout l’album. J’étais assis du début à la fin sur la même chaise avec le même micro et la même guitare. J’ai enregistré la voix en live, il n’y a pas de correction, donc c’est vraiment raw. Ce qu’on entend est ce qui était enregistré, donc ça crée une vulnérabilité beaucoup plus intense. C’est complètement l’envers de mes autres albums.
L’album a t-il été enregistré à Montréal?
Oui, au Treatment Room. Pour les besoins de cet album, c’était nécessaire de l’enregistrer dans ce studio. Je voulais vraiment qu’on entende la pièce résonner.
Qu’est-ce que tu espères que les gens ressentent quand ils écoutent cet album, étant donné que c’est plus personnel pour toi?
À un moment donné, j’avais peur d’être quétaine avec tous les thèmes de l’amour et des break-up songs, mais un de mes bons amis a dit que tout le monde tombe en amour et tout le monde se fait briser le cœur, donc c’est universel. J’espère d’être capable de toucher cette partie des gens et qu’ils se reconnaîtront. On vit toutes ces émotions-là. J’espère aussi que c’est un album que les gens vont vouloir écouter en boucle parce que ce n’est pas lourd, et qu’ils vont l’écouter sur leur terrasse en été avec du vin ou de la bière.
Dans notre dernière entrevue, tu as annoncé que le pop n roll est mort. Quel est le futur de Simon Kearney? C’est peut-être comme si cet album, L‘Île, était un moment de réflexion avant de te lancer dans quelque chose de nouveau.
Je ne sais pas ce qui vient mais quand je regarde les artistes que j’aime, ils ne font jamais la même chose deux fois. Sans dire que, avec mon dernier album América, j’ai refait la même chose mais je suis allé au bout de quelque chose qui était la musique pop. Ce que je vais explorer par la suite sera quelque chose de différent. Je ne peux pas répéter un style de musique que j’ai déjà fait.
Frankie Rose | Journaliste
Frankie vient d’Angleterre, mais elle est francophone dans l’âme et elle aime découvrir et promouvoir la langue. En ce qui concerne la musique, elle aime les chansons qui racontent les histoires, que ce soit dans les paroles ou le lien personnel que la musique peut créer.
Photos : Courtoisie
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