
La Suissesse Charline Mignot, alias Vendredi sur Mer, sort son deuxième album. Elle était de passage fin avril à Montréal, au Théâtre Fairmount, puis à Québec, à L’Anti, dates qui ont été très rapidement complètes.
Artiste dans l’âme, passée par les Beaux-Arts à Lyon et la photographie, elle prend plus de risque. Nous y retrouvons certes le style du premier album avec des sons et percussions modernes, comprenant des longues notes de synthétiseurs, et des textes parlés. Mais elle y rajoute cette fois-ci des parties chantées où elle s’affirme, des sons de piano classique, de guitare ou de violon, ainsi que des chœurs.
Dans ses textes, elle parle d’émois amoureux. Derrière une musique féérique, elle aborde également le thème du sexe de façon explicite et crue, tout en livrant dans d’autres titres une savoureuse poésie, plus imagée, qui se donne moins directement.
Charline Mignot valide un projet artistique cohérent et nous invite dans l’univers de Vendredi sur Mer, nous laissant en chemin des indices, comme des petits cailloux, dans ses textes recherchés ou ses vidéo-clips, de la qualité d’un court métrage.
Cet album est à découvrir et il est une belle surprise, certaines chansons demandant à être réentendues pour être mieux cernées.
Pour découvrir l’album : www.vendredisurmer.store.
Nous avons pu avoir un long et agréable échange avec la chanteuse lors de son passage à Montréal.


Comment passe-t-on des beaux-arts de Lyon et de la photographie à la chanson ?
Une professeure de français m’a fait aimer la lecture et l’écriture à l’école. J’ai toujours beaucoup écrit depuis l’âge de 14 ans. Plus tard, j’avais une exposition de photographie et je cherchais une musique qui tourne en boucle pendant le vernissage. Ne trouvant pas, j’ai fini par écrire une chanson et par hasard j’en ai fait mon métier. La chanson n’est finalement pas si loin de la photo, car cela permet juste de raconter des histoires d’une autre manière.
Ton dernier vidéo-clip du titre Le Lac est magnifique, d’une qualité proche de celle d’un long-métrage, nous y découvrons aussi tes talents de comédienne…
J’ai fait beaucoup de théâtre étant jeune et, dans les derniers clips, j’avais envie de beaucoup jouer, de faire quelque chose qui se rapproche plus du cinéma que d’un clip classique où je chante et je danse simplement.
Sur l’album, il y a des paroles que l’on comprend très vite, alors que certains titres nécessitent une réécoute…
C’est ma manière de créer mes textes. Parfois j’éprouve le besoin d’écrire avec beaucoup de métaphores, de façon presque imagée. Autant les paroles peuvent être très claires, autant j’aime raconter une histoire, avec des images en tête, comme un scénario.
Certains propos sont assez crus, comme dans Comment tu vas finir. Certains sujets graves sont aussi abordés, mais toujours en douceur avec la musique et ta voix…
J’aime bien jouer avec les sonorités, être capable de mélanger des chansons pop joyeuses avec des textes qui ne le sont pas franchement. J’essaie de ne pas toujours être dans le pathos. Après, j’aime aller dans des endroits un peu plus sombres, crus et sexuels aussi. J’en avais envie sur cet album.
L’album surprend, car les chansons sont finalement très différentes. Pour Le Lac, nous comprenons la chanson en visionnant le clip…
Ce que je trouve bien, c’est que chaque personne qui écoute les titres peut avoir son interprétation, sa propre lecture. Quand j’écoute une chanson, je suis beaucoup attachée au texte. J’aime bien lire les paroles ensuite pour tenter de comprendre les nuances dans les jeux de mots, dans la manière dont cela est dit. C’est toujours intéressant d’avoir différentes grilles de lecture et de pouvoir imaginer plein de choses.
Certains titres sont plus sujets à interprétations que d’autres et nous pouvons plus facilement nous les approprier…
Tant mieux. Cela est très universel. Ce que je raconte reste très anonyme, même quand je parle de mes histoires. Il y a quelques repères, mais il n’y a pas de description exacte. Nous vivons souvent les mêmes choses dans notre vie. J’ai des retours de gens qui me disent adorer une chanson avec leur histoire, alors que, moi, je ne raconte pas la même histoire du tout. Mais tant mieux, car mes chansons donnent des émotions !


Nous entendons des sons différents, entre synthétiseurs modernes, mais aussi des chœurs voix, des notes de piano classique, des violons…
J’avais envie d’aller au bout des choses, donc cela passe par la musique et les sonorités. J’ai du coup travaillé avec de chouettes personnes très différentes. J’ai réalisé cet album avec Sam Tiba qui vient de la techno, mais aussi avec les membres de son ancien groupe Club Cheval : Myd et Canblaster. Myd a une patte pop très rieuse, Sam Timba est hybride et Canblaster est un geek du son qui a apporté beaucoup de choses comme à la fin de Désabusée. C’est un album avec 15 personnes qui m’ont rejointe, qui se sont engagées comme si c’était leur projet. Je suis devenue plus exigeante, j’ai vraiment la main sur ce que j’ai envie de faire et je sens quand il manque quelque chose.
Tu parles parfois, mais cette fois-ci tu chantes la majeure partie du temps. Tu as augmenté le curseur au niveau du chant…
Dans le parler, j’ai découvert plusieurs manières de raconter. Sur le titre Lettre à moi-même que j’ai dû réenregistrer une cinquantaine de fois, ma référence était Charlotte Gainsbourg. Sur d’autres, c’est très différent. Mais j’avais envie d’évoluer après la première tournée et de chanter un peu plus. Quand je suis arrivée dans la chanson, je ne pensais pas en faire mon métier; je ne me sentais pas légitime. Pendant la pandémie, je me suis posée et je me suis demandé ce que je voulais faire. J’ai décidé de faire tout ce dont j’avais peur : chanter, jouer dans mes clips, travailler avec des personnes différentes, etc. Cela a été un défi pour moi de me faire confiance, mais je suis vraiment contente de ce que nous avons pu faire en équipe. Je n’aurai pas pu faire deux fois le même projet.
Tes deux tournées sont toujours passées par le Québec ?
J’ai toujours été hyper bien accueilli au Québec, la première fois en 2018. Toujours trop contente et un plaisir d’y revenir…